♥ Tell me your Story ♥
Once Upon a Nightmare...• « Oh, il est magnifique ! Ces grands yeux clairs, ces jolis cheveux blonds ! On dirait un ange, ce sera sûrement un ange ! »Oui j'aurais sûrement été un Ange, un exemple même de douceur et de bonté, un enfant du Ciel, celui que tout le monde attendait. Je l'aurais sûrement été si les mots que ma mère prononçait m'avaient été destinés. La venue de mon frère semblait ne pas l'avoir faite souffrir, il paraît que seuls ses longs cheveux soyeux collaient à son front, ses traits étaient tirés mais infiniment apaisés.
Quand ce fut mon tour de quitter le nid confortable et chaud qu'était son ventre, quelques minutes plus tard, elle poussa un long hurlement déchirant et se cambra sur le lit en enserrant le drap pour endiguer la douleur qui faisait trembler non pas seulement son bas ventre mais son corps tout entier.
Ses yeux étaient en grande partie révulsés, la souffrance déformait son visage gracieux et tout son être ne criait qu'une seule chose : «Dieu! Faites quelque chose pour retirer cette chose qui tente de sortir de mon ventre! ».
La première chose qu'on aperçut fut mes cheveux noirs, noirs comme l'encre la plus sombre, noirs comme leurs cauchemars les plus torturants, noirs comme la part d'ombres que chaque personne de ce royaume immaculé cache en soi.
Je n'ai pas crié. C'est peut-être à cause de ça que mes parents n'étaient pas sûrs que je sois vraiment en vie. Jusqu'au moment où j'ai ouvert les yeux pour les fixer. Un regard calme, tranquille, un regard qui les effraya. Un regard d'adulte ? Ils pressèrent mon petit corps pour essayer de susciter en moi une quelconque réaction, un cri, un gazouillement, n'importe quoi. Jamais il ne leur est venu à l'esprit que ne rien dire, c'est aussi écouter.
La semaine qui suivit notre naissance, notre mère nous présenta à l'illustre Reine Blanche. Celle-ci se pencha au dessus de notre berceau et nous caressa la joue tour à tour. Mon apparence semblait la troubler, elle semblait troubler tout le monde en vérité. Mes parents étaient blonds comme les blés, tout comme chaque membre de notre famille. Jusqu'à moi. Le seul point noir dans le tableau immaculé et criant de pureté. Et dans ce Royaume Blanc, le Noir était autant craint que honni.
Ma mère nous habillait toujours de façon identique, peut-être dans l'espoir que mes cheveux finiraient par prendre la même teinte que ceux de mon frère jumeau si elle nous rendait semblable physiquement ? Mais cela n'arriva jamais. Mes cheveux poussaient avec grâce et aisance. Mon père tenta un jour de les couper, pour les dissimuler sous un petit chapeau. Le lendemain, à la grande surprise de tout le monde, ma chevelure avait repris sa taille originelle, épousant la forme de mes épaules. Mes parents n'essayèrent jamais plus de toucher à mes cheveux. Et je dois avouer que cela m'arrangeait.
Les années s'égrenaient et je semblais être le seul à ne pas y prêter la moindre importance. Les Dames de la Cour de la Reine Blanche raffolaient des jeunes enfants, elles adoraient les voir gambader joyeusement en riant et chahutant. Elles nous aimaient particulièrement mon frère et moi parce que nous étions des jumeaux. Et des jumeaux, c'est doublement
adorable. Mon grand frère se prêtait avec plaisir à les satisfaire, leur chantant des petites comptines en dansant pour elles. Les éblouissant par son joli sourire innocent et ses grands yeux qui auraient fait fondre le coeur le plus glacial. Oui, même le mien.
Mon Frère...Je le déteste. Je le déteste parce qu'il ne faisait qu'éveiller des sentiments de faiblesse en moi. Quand j'ai eu six ans, d'étranges cauchemars venaient troubler mon sommeil. Des ombres, des cris, des spectres qui envahissaient mon esprit à la seconde même où je fermais les yeux la nuit. Je passai une semaine sans dormir, recroquevillé dans mon lit, tremblant au moindre bruit de tissu qui me parvenait. Je craignais qu'une main froide et glacée ne soulève ma couverture et ne m'arrache le coeur d'un coup vif et précis. Mais ce fut la petite main chaude de mon frère qui me sortit de ma cachette et me força à me presser contre lui.
Je me débattis et lui griffai méchamment la joue mais il me garda contre son corps chaud et se mit à me murmurer des paroles rassurantes que je ne comprenais pas. Mais elles avaient le don de m'apaiser. Je ne pouvais plus passer une nuit sans lui. Et cela me rendait encore plus en colère contre lui mais surtout contre moi-même.
J'essayais de me convaincre que je n'avais pas besoin de lui, c'était seulement quelque chose lié au fait que nous étions jumeaux...Rien de plus!
Je ne l'aimais pas, j'étais incapable d'amour, je suis incapable d'amour. Pour pouvoir aimer, il faut avoir été aimé. Et jamais mes parents ne me donnèrent cette impression. C'était comme si leurs regards posés sur moi me disaient « Deviens comme ton frère et alors nous t'aimerons. ». Pendant de longues années, ils essayèrent de me faire changer. De me faire rire, de me forcer à leur parler mais je n'avais rien à leur dire. Je n'étais juste pas comme les enfants de mon âge, je ne voyais pas l'intérêt de rire bêtement en courant après les papillons et en rêvant de chevaux colorés qui mangent des arc-en-ciel.
Alors ils se détournèrent de moi. Mon frère avait le droit à un précepteur, c'était un élève brillant apparemment. Il avait un don pour les sciences et les langues étrangères. Moi je dévorais le moindre livre que je trouvais. J'adorais la littérature, le monde y était tellement plus sombre que la réalité dans laquelle je me trouvais. Et cela me plaisait de trouver d'autres ténèbres pour me tenir compagnie. Dans la Cour intérieure du château, je lisais tranquillement adossé à un arbre quand un garçon, je ne me souviens pas de son nom, quelle importance ? Puisque je l'ai tué de mes mains quelques années plus tard. Donc ce garçon s'est approché de moi, sans doute dans le but de me provoquer, et il m'a affublé d'un surnom qui me poursuivit longtemps après ça : The Black Sheep. Je me souviens parfaitement de cette hideuse comptine qui me suivait où que j'aille, au moindre pas que je faisais :
« Baa, baa, black sheep,
Have you any wool?
Yes sir, yes sir,
Three bags full.
One for my master,
One for my dame,
And one for the little boy
Who lives down the lane »
Mon frère les réprimandait, leur ordonnait d'arrêter cela mais ils n'en firent jamais rien. Je crois que mes parents le savaient également. Après tout, il faut reconnaître que ce surnom me seyait à merveille. Le Mouton Noir. La Bête Noire. Celui que tout le monde craignait même s'ils n'en laissaient rien paraître.
Bientôt je ne fus plus connu que comme « le frère de mon frère ». L'Ombre de la Lumière. Je grandissais en même temps que lui et pourtant, j'avais l'impression d'être infiniment plus vieux, hors de ce monde, hors de cette dimension, hors de ce Jardin blanc dont j'étais les ronces.
• « Même si vous aimez les fleurs, elles meurent,
Même si vous n'aimez pas la mauvaise herbe, elle pousse »
C'est alors que la guerre éclata. Enfin la bulle qui protégeait le Royaume Blanc se brisa en partie, laissant s'infiltrer un vent de panique qui me ravissait intérieurement. Enfin une occasion d'échapper à cette vie que l'on m'avait imposé, à un monde qui me rejetait autant que je le rejetais. J'étais déjà un homme la première fois que mon regard se posa sur celle que l'on nomme la Reine Rouge. Son port de tête majestueux, le sourire cruel et froid qu'elle affichait, les ordres qui s'échappaient d'entre ses lèvres vermeilles et qui claquaient aussi sèchement qu'un fouet sur une peau tendre. Autant de choses qui me fascinèrent et pour la première fois je pouvais sentir un semblant de vie palpiter en moi. C'était donc Elle qui était à l'origine de cette panique, elle dont l'armée représentait une menace capable d'inquiéter la Reine Blanche.
Le Royaume Rouge. De sang, de violence, un univers qui m'attirait inexorablement. Un univers que j'avais regardé pendant un court instant mais qui avait suffi à me faire prendre ma décision. Entre le Rouge et le Blanc, mon coeur n'a jamais balancé, il n'y a jamais eu la moindre hésitation, jamais eu le moindre regret.
Enfin...C'est ce que j'aurais voulu affirmer. Mais il y avait mon frère. Mon frère le Valet Blanc. Il l'était devenu quelques mois auparavant, les yeux de mes parents brillaient de fierté et ils ne cessaient de répéter béatement « Notre fils, regardez, c'est notre fils. » Ils n'ont plus jamais prononcé le mot « fils » au pluriel, depuis longtemps ils m'avaient oublié. Cela ne m'a jamais fait mal, quand je m'en souviens, ça ne fait pas mal. Il faut avoir un coeur pour avoir mal, il faut être faible pour se laisser envahir par un sentiment aussi faible, aussi vicieux. Et le jour où j'ai quitté le Royaume Blanc, j'ai laissé derrière moi toute forme de faiblesse.
Mon frère m'avait surpris en train de réunir les maigres effets que je souhaitais emporter avec moi. Son regard s'était empli de surprise et d'incompréhension. Des sentiments qui s'étaient accrus quand je l'avais serré contre moi, je n'ai jamais su pourquoi. Peut-être pour le remercier de ces nuits passées à mes côtés, peut-être pour m'excuser d'avoir été la seule tache dans son existence, peut-être parce que j'en avais besoin ou peut-être que cette étreinte n'avait pas besoin d'une raison valable pour avoir lieu.
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Je suis encore surpris de la facilité avec laquelle j'ai réussi à intégrer l'armée du Camp Rouge. Il faut dire que personne ne s'est jamais douté que je puisse venir du Royaume Blanc, personne ne m'a jamais posé de questions sur mes origines. Tout ce que l'on désirait savoir c'est si je savais manier une épée et si j'étais prêt à mourir pour la Reine. Je ne remplissais aucune de ces deux conditions mais j'ai toujours été doué pour apprendre. Même plus doué que ce que j'aurais pu espérer. C'était comme si ma lame était le prolongement qu'il avait toujours manqué à mon bras. Une plume pour écrire aurait tout aussi bien pu l'être. Mais ce n'était pas la voie qui m'était offerte.
Ma première bataille. L'aube avait illuminé le ciel d'un rouge de sang, amenant avec elle le souvenir des morts de la veille et annonçant le sang qui n'avait pas encore fini de couler. Je n'étais pas prêt pourtant je n'avais pas peur. Ma main se serrait nerveusement autour du manche de mon épée et l'excitation se frayait un chemin le long de mon échine. L'armée blanche s'avançait vers nous. En cadence, une vague blanche parfaitement coordonnée. Parfaite. Ce mot est toujours laid quand il me sert à les désigner. Tout ce blanc, du blanc partout.
Trop de Blanc tue le Blanc ? Non, trop de blanc tue le Noir. Seulement cette fois-ci, je n'étais plus la seule tache sombre à m'opposer à eux. Nous étions des milliers. L'assaut fut lancé et les pas que je fis pour m'élancer contre ceux qui étaient maintenant mes ennemis scellèrent le choix que j'avais fait.
J'avais choisi le Mal. Mais le Bien m'avait-il seulement tendu la main depuis que j'étais né ? Je n'ai pas compté le nombre d'hommes que j'ai abattu ce jour-là. Mais je sais que c'était jouissif de planter ma lame dans ces corps immaculés, ne serait-ce que pour me prouver un peu plus à chaque homme que je tuais qu'à l'intérieur leur sang était aussi rouge que le mien. J'aurais presque voulu qu'il soit blanc avant que nous n'ayons vraiment rien en commun. Mais certaines choses sont vraiment en dehors de nos moyens. Certaines choses, très rares.
Je commençait à afficher les premiers signes de fatigue quand...Je le vis. Le Valet. Sur son Cheval aussi blanc que lui. Son regard croisa le mien et je n'eus pas besoin de retirer mon casque pour qu'il me reconnaisse, nous sommes jumeaux après tout. Le sang appelle le sang.
A ma grande surprise, il descendit de sa monture et s'avança lentement vers moi.
« Nissyen. »Je fermais un instant les yeux, j'ignorai pourquoi le simple fait qu'il prononce mon prénom m'agaçait à ce point. Peut-être parce que je réalisai qu'il m'avait manqué. Et ça, c'était un sentiment que je ne pouvais accepter.
« Je n'ai pas l'intention de pointer mon arme sur toi. »Je grognai de rage et franchis la mince distance qui nous séparait encore, susurrant tout près de son visage d'une voix que j'espérais aussi glaciale que la rancoeur qui me dévorait depuis mon enfance :
« C'est bien dommage pour toi. Mais sache que moi, j'attends ce moment depuis bien longtemps. »Il me défiait de son regard clair, comme s'il ne croyait pas à mes mots. Il me défiait de les mettre exécution. Il répéta alors mon prénom d'une voix ferme bien que toujours douce. Il le répétait encore et encore dans une litanie qui me faisait serrer les dents.
« Nissyen. Mon Frè... »Il n'eut jamais l'occasion de finir ce mot impie car mon épée se planta dans son flanc.
« Nooon! »Ce cri précéda la plus grande douleur physique que je n'ai jamais connue. Une dague froide se planta dans mon oeil gauche et j'eus tout juste le temps d'apercevoir une dernière fois l'image vacillante de mon frère qui s'étalait dans la poussière. Nos regards se croisèrent une ultime fois et ce que je pouvais lire dans le sien me répugnait. Des larmes, seulement des larmes, même pas de rancoeur, juste des larmes de tristesse.
Je ne pleurais pas moi, je n'ai pas pleuré. Ma joue était humide mais c'était seulement du sang, je n'ai pas pleuré. Je n'ai pas pleuré...
Le Noir. Total. Encore une fois. Aucun bruit autour de moi.
Est-ce que j'étais mort ? J'allais renaître ? Pas dans le Royaume Blanc. C'est tout ce que j'espérais.
« Que lui est-il arrivé ? » demanda une voix féminine au ton distingué et infiniment maîtrisé.
« Il a été gravement blessé à l'oeil gauche, ma Reine. Il a presque abattu le Valet Blanc. »« Excellent. »Mes yeux s'ouvrirent enfin. Mon oeil plutôt. Mon unique fenêtre sur le monde maintenant. Et je croisais pour la première fois le regard de celle qui à qui j'allais maintenant vouer ma vie. La Reine de Coeur. Rosemary Adams.
Elle fit de moi son Valet de Coeur. Et je lui accordai ce que je n'avais accordé à personne jusqu'ici : ma fidélité et mon obéissance. Ce n'était pas de gaieté de coeur au début. Je me suis toujours revendiqué comment n'ayant ni Dieu ni Maître. Mais j'avais décidé de me vouer à elle. Il n'y avait pas de raison précise. Si, peut-être le pouvoir. Et l'attente du jour où je pourrais la voir abattre la Reine Blanche sous mes yeux. Et être à ses côtés.
Mon Frère. Non, pas mon frère. Le Valet Blanc. Pour finir le travail, le tuer. Devenir unique. Je ne peux exister tant que sa vie est là pour faire de l'ombre à la mienne.
• « Quand la règle du jeu est déshonorante, les tricheurs sont ceux qui la respectent. »
Je me prêtais à mon nouveau rôle avec un plaisir non dissimulé. Diriger, commander, être craint. Nul condition n'était plus enviable que la mienne. Il est vrai que la Cour m'ennuie, ces incessantes réunions mondaines m'agacent mais ce n'est qu'une légère épine dans la Rose de Velours qu'est devenue ma nouvelle existence.
Le Valet de Coeur. Nissyen Jack Heartless. Je sers le Coeur et pourtant, il semblerait que le mien soit absent.
Mon But se rapproche, la vengeance se profil à l'horizon. Une ombre seule se dresse sur mon chemin, cette Nouvelle Alice. Mais cela ne sera plus un problème longtemps. Elle ne sait pas encore quel chasseur est à ses trousses, un chasseur impitoyable.
Un Chasseur dont la rage de vaincre ne saurait tolérer d'obstacles.
• « Call me the Hunter, that's my name. Pretty Young thing like you is my only game. »
Que le jeu commence.